À moins d’avoir vécu reclus ces derniers mois, il y a de grandes chances que vous ayez entendu parler des nouvelles technologies de l’IA et de la plus connue d’entre elles, ChatGPT. Ces outils sont devenus incontournables et influencent nos modes de travail, notamment dans le domaine des RH. Vecteurs d’innovation, elles font aussi l’objet de préoccupations éthiques ouvrant ainsi autant d’opportunités que de défis dans le monde du travail. Où en est-on côté RH ?
L’essor de l’intelligence artificielle dans la sphère professionnelle
Il est loin le temps où elle était un thème d’anticipation pour amateurs de science-fiction. Aujourd’hui, l’IA est installée dans de nombreux secteurs d’activité (industrie, services, administrations) et se déploie auprès du grand public avec l’arrivée d’applications dites “génératives” comme ChatGPT utilisé pour générer du contenu à partir de données fournies par l’utilisateur.Grâce à la maturité de ses technologies, l’intelligence artificielle fait son entrée au bureau en permettant aux collaborateurs de gagner en efficacité et en productivité par l’automatisation de tâches répétitives ou chronophages. Gestion administrative (e-mails, congés, paie), édition de textes, création de présentations PowerPoint à partir données Excel ou Word, ses larges potentialités n’échappe pas à la fonction RH tant elle apporte un gain de temps précieux et un remède à l’erreur humaine.
Mais peut-on pour autant aller jusqu’à dire que l’intelligence artificielle est en voie de réinventer les métiers des ressources humaines ?
L’IA révolutionne la manière de recruter, de former et de manager
Bien établis dans le cadre du recrutement, les outils de l’IA permettent d’analyser automatiquement les CV et les lettres de motivation pour identifier les meilleurs profils pour un poste. La même méthode peut être utilisée sur les réseaux sociaux afin de sourcer les candidats potentiels. Ainsi, l’intelligence artificielle aide le recruteur à mieux cibler les candidats grâce à une évaluation plus fine de l’adéquation entre les candidats et les exigences du poste tout en accélérant les process de recrutement.Outre la rédaction d’annonces d’emplois et la génération de réponses aux mails en fonction de diverses situations (IA génératives), l’analyse des données possibles par l’IA permet d’évaluer les performances des services et apporte des solutions au manque de personnel et sur les besoins de formation. Mieux encore, les IA prédictives aident les entreprises à anticiper leurs besoins futurs en compétences en fonction des tendances du marché et à ajuster leurs stratégies de recrutement, de formation et de mobilité interne (possibilité de mettre en parallèle les offres de l’entreprise avec des compétences de collaborateurs, même émergentes, et leurs souhaits d’évolution, puis suggestion de formations dédiées).
Ces fonctions prédictives permettent aussi de sélectionner les candidats les plus aptes à s’épanouir sur un poste en analysant leurs aptitudes et leur personnalité au regard du reste de l’équipe et de la culture d’entreprise. Une capacité d’anticipation qui s’applique également au management : pour améliorer les performances générales de l’entreprise via des outils de sondage ou de satisfaction clients et collaborateurs, mais aussi pour prévoir de possibles départs chez ces derniers. L’examen de variables sur la performance et l’engagement aident à déceler les signes avant-coureurs d’une démission afin d’orienter les RH vers des mesures pour les retenir et réduire ainsi le turn-over.
Enrichir l’expérience collaborateur et se concentrer sur les missions à valeur humaine ?
Ces nouvelles fonctionnalités sont donc utiles pour relever le défi de la fidélisation et à d’autres titres, notamment pour le bien-être au travail : données de satisfaction, recommandations personnalisées et détection précoce des problèmes de santé mentale permettent non seulement de prévenir l’absentéisme mais aussi de favoriser le bien-être au travail. L’IA a donc aussi vocation à améliorer la qualité de vie au travail en s’ingérant jusque dans le suivi de la culture d’entreprise et des relations entre collègues.Alors que l’automatisation des processus routiniers libèrerait du temps pour que les professionnels des RH puissent se concentrer sur des enjeux plus complexes et stratégiques, de la gestion prévisionnelle des emplois et compétences à l’évaluation du bien-être des employés, on peut se demander la marge dont ils disposent encore et ce qu’il reste d’humain quand il est possible de gérer le bien-être à la manière d’une donnée quantitative. Le recruteur est certes déchargé du fastidieux « screening » de CV et du suivi des tableaux de bord pour se concentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée, mais à quoi ressemblent-elles dans ces circonstances ?
Sensibiliser et former pour anticiper les risques
Les dirigeants ne s’y trompent pas : 67 % d’entre eux insistent sur la nécessité de prêter davantage attention aux implications éthiques de l’IA (Rapport de l’enquête “EY CEO Outlook Pulse” en Juillet 2023). En effet, le potentiel de transformer fondamentalement la manière dont travaille les acteurs des RH implique de réfléchir à la façon de se les approprier et d’accompagner leur prise en main.En tant que garants des valeurs et de la culture de leur entreprise, les DRH jouent un rôle clé pour anticiper d’éventuels risques et contribuer à les atténuer. Ces risques concernant d’une part l’introduction de biais dans le recrutement ou l’évaluation des candidats, alors même qu’elles devaient les éradiquer, ainsi que le défaut de transparence. Faute de pouvoir expliquer leur modèle, les professionnels peuvent donner l’impression de prendre des décisions de manière aléatoire et risque d’impacter l’expérience du candidat ou du collaborateur qui ignore sur quels critères il a été évalué.
Comment alors éviter ces risques en préserver l’humain et son capital émotionnel avec l’IA ? Si une résistance au changement serait contre-productive car elle fragiliserait les entreprises rétives vis à vis de celles qui ont intégré l’IA pour booster leur productivité, il est fondamental que les entreprises s’impliquent dans le maintien d’un environnement émotionnel de qualité. Sur ce volet, la formation a un rôle essentiel pour préparer les employés à intégrer ces outils dans leur flux de travail et sensibiliser aux risques afin de garder l’humain au cœur des processus.