Dominique VALENTIN, président fondateur des Relais d’entreprises et Rémy LASSET, auteur et créateur du site internet proxitravail.fr spécialisé sur le télétravail en tiers-lieux apportent leur éclairage sur les intérêts sociaux et écologiques à élargir le télétravail au-delà du domicile.
- Dominique VALENTIN, vous avez créé les Relais d’entreprises il y a maintenant plus de 10 ans. Quelle était votre démarche initiale et quel bilan en tirez-vous aujourd’hui ?
La création des Relais d’entreprises est une réponse citoyenne à une problématique sociétale. Au départ, ma préoccupation était factuelle : trouver une solution au blocage permanent de la rocade de Toulouse. Après réflexion sur la question et partant du principe que la mobilité la plus rapide est celle qu’on ne subit pas, j’avais identifié sur un terrain non construit l’opportunité de construire des bureaux en face d’une crèche communale En 2012, le télétravail n’était pas connu, mais depuis le Covid il s’est accéléré même si sa pratique est centrée au domicile du salarié. Les télétravailleurs pendulaires alternant périodes de travail dans l'entreprise et télétravail en dehors de ses locaux restent minoritaires.
- Rémy LASSET, vous êtes le fondateur du site proxitravail.fr. Pouvez-vous expliquer la vocation de ce site et du concept qui en est à l’origine ?
Le « proxitravail » consiste à télétravailler ailleurs qu’au domicile, notamment en tiers-lieux ou dans des espaces de coworking proches des domiciles des salariés. J’ai été inspiré par Relais d’entreprises après avoir fait la connaissance de Dominique sur LinkedIn. Mon objectif était de donner un nom à cet autre télétravail en créant ce néologisme et à en faire la promotion. Le site a une vocation pédagogique à travers Blog, newsletter, ebook, guide du télétravail. Il s’agit de vulgariser le télétravail dans sa dimension alternative et externe au domicile, tout en expliquant ses vertus : bénéfices pour les salariés, les entreprises et les territoires.
- Quels types de services supplémentaires peut-on trouver dans un tiers-lieu et qu’apportent-ils de plus au télétravail à domicile ?
Rémy LASSET : On peut citer les ateliers, les formations, les événements networking, qu’on retrouve dans les coworking où viennent travailler les freelances. Le salarié quant à lui vient chercher un environnement propice au travail, avec des conditions favorables telles que la luminosité, la connectivité, les options de restauration, et la possibilité de bien séparer sa vie professionnelle de sa vie personnelle. Mais avant toute chose, le télétravail en tiers-lieu apporte du lien social à travers les rencontres d’autres habitants du territoire.
Dominique VALENTIN : Je ne peux que confirmer car j’ai pu observer un pic assez marqué de réservations pendant les vacances scolaires qui traduit une fuite du domicile vers des bureaux calmes. Le pari d’une organisation montante entre ces 3 lieux (domicile, bureau, tiers-lieu) nous donne aujourd’hui raison. L’équilibre est assuré en faisant un mix avec le télétravail à domicile pour éviter le sentiment d’isolement.
Dominique VALENTIN : Je ne peux que confirmer car j’ai pu observer un pic assez marqué de réservations pendant les vacances scolaires qui traduit une fuite du domicile vers des bureaux calmes. Le pari d’une organisation montante entre ces 3 lieux (domicile, bureau, tiers-lieu) nous donne aujourd’hui raison. L’équilibre est assuré en faisant un mix avec le télétravail à domicile pour éviter le sentiment d’isolement.
- Comment estimez-vous que le télétravail en tiers-lieu influence l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle ?
Rémy LASSET : Le télétravail réduit les déplacements pendulaires liés aux déplacements domicile travail et permet une économie de temps précieuse à réinvestir dans le temps personnel et les activités bonnes pour soi et utiles à la société. En s’exerçant dans un tiers-lieu proche du domicile, le proxitravail fait gagner du temps et améliore la qualité de vie en séparant de manière nette les temps professionnels et personnels.
- Les Relais d’Entreprises ont été reconnus comme un acteur clé de rééquilibrage des territoires de faible densité dans certains manuels scolaires. Vous avez visé juste !
Dominique VALENTIN : Oui, cela illustre comment le numérique et le travail à distance permettent de s’affranchir du lieu pour positionner son lieu de vie, comme ce fut le cas avec le véhicule individuel et la périurbanisation. Il est désormais possible de faire revenir des actifs là où ils ont décidé d’habiter et là où c’est moins cher.
A Toulouse, les primo-accédants s’installent en moyenne à 28 kms pour maîtriser leur budget logement mais ce gain est perdu dans les déplacements, tout comme la qualité de vie qu’ils devraient trouver à la campagne. La règle des 3 - 30 - 300 - pouvoir voir 3 arbres de son logement, à vivre dans un quartier où il y a environ 30% d'espace arboré, et à habiter à moins de 300 mètres d'un parc ou d'une forêt - résume bien cette idée.
De la même manière, l’idée du proxitravail repose sur une multiplicité de facteurs : les pertes de temps dans les embouteillages, les couts de déplacements avec la hausse des prix carburants, sans compter la pollution de l’air, l’instauration de zones à faible émissions (ZFE), le covid… Et puis, c’est une réponse à l’isolement grandissant dont il devient urgence de sortir (Netflix, Amazon, repli…). Les RE sont les « lavoirs numériques des temps modernes », on va plus au lavoir ni au café mais on se retrouve dans des tiers-lieux !
A Toulouse, les primo-accédants s’installent en moyenne à 28 kms pour maîtriser leur budget logement mais ce gain est perdu dans les déplacements, tout comme la qualité de vie qu’ils devraient trouver à la campagne. La règle des 3 - 30 - 300 - pouvoir voir 3 arbres de son logement, à vivre dans un quartier où il y a environ 30% d'espace arboré, et à habiter à moins de 300 mètres d'un parc ou d'une forêt - résume bien cette idée.
De la même manière, l’idée du proxitravail repose sur une multiplicité de facteurs : les pertes de temps dans les embouteillages, les couts de déplacements avec la hausse des prix carburants, sans compter la pollution de l’air, l’instauration de zones à faible émissions (ZFE), le covid… Et puis, c’est une réponse à l’isolement grandissant dont il devient urgence de sortir (Netflix, Amazon, repli…). Les RE sont les « lavoirs numériques des temps modernes », on va plus au lavoir ni au café mais on se retrouve dans des tiers-lieux !
- La tendance au « back to work » émerge dans plusieurs sociétés. Comment l’analysez-vous ?
Rémy LASSET : On parle davantage de « return to office » mais il s’agit plutôt d’un retour à une situation hybride qu’à du 100% présentiel.
- En quoi le télétravail en tiers-lieux est-il une réponse aux impératifs de transition écologique ? Est-il la solution pour réduire l'empreinte carbone liée aux déplacements domicile-travail ?
Rémy LASSET : Le proxitravail permet à un plus grand nombre de salariés de télétravailler, notamment ceux qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas travailler à domicile, ou encore ceux qui ne disposent pas de conditions favorables pour le télétravail à domicile. Ainsi, il contribue à réduire ou à éliminer les déplacements pendulaires polluants pour un nombre croissant de travailleurs. Cette approche réduit de manière significative l'empreinte carbone en favorisant la mutualisation des espaces immobiliers et en réutilisant des surfaces existantes sous-utilisées, notamment en milieu rural.
Dominique VALENTIN : Le principe du proxitravail repose sur la valorisation des kilomètres non parcourus. Cette initiative est soutenue par l'ADEME à Montpellier et Toulouse, en vertu de son impact positif sur la qualité de l'air en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Elle permet également des économies d'énergie, contribuant ainsi à une économie de kilowattheures. Les tiers-lieux labellisés bas carbone favorisent la mise en œuvre du proxitravail, sous réserve de confirmation par le propriétaire du tiers-lieu par le biais de la location du bureau.
Par exemple, pour une personne dont le lieu de travail se situe à 30 kilomètres, le proxitravail consiste à effectuer deux jours de télétravail en proximité, ce qui permet de réduire les déplacements. Dans certains cas, cela pourrait même conduire à une gratuité des frais liés au bureau lorsqu'il y a une grande distance à parcourir. Ce dispositif soutient le rééquilibrage des territoires en faveur des zones rurales en valorisant la non-mobilité.
Dominique VALENTIN : Le principe du proxitravail repose sur la valorisation des kilomètres non parcourus. Cette initiative est soutenue par l'ADEME à Montpellier et Toulouse, en vertu de son impact positif sur la qualité de l'air en réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Elle permet également des économies d'énergie, contribuant ainsi à une économie de kilowattheures. Les tiers-lieux labellisés bas carbone favorisent la mise en œuvre du proxitravail, sous réserve de confirmation par le propriétaire du tiers-lieu par le biais de la location du bureau.
Par exemple, pour une personne dont le lieu de travail se situe à 30 kilomètres, le proxitravail consiste à effectuer deux jours de télétravail en proximité, ce qui permet de réduire les déplacements. Dans certains cas, cela pourrait même conduire à une gratuité des frais liés au bureau lorsqu'il y a une grande distance à parcourir. Ce dispositif soutient le rééquilibrage des territoires en faveur des zones rurales en valorisant la non-mobilité.
- Quels sont les défis que vous percevez dans l'utilisation des tiers-lieux ? Quelles incitations pourraient encourager à adopter le télétravail en tiers lieu ?
Dominique VALENTIN : Il est difficile d’identifier les lieux à proximité des domiciles des candidats. Cela s’explique par la méconnaissance des plateformes côté entreprises. Avec les Relais d’entreprises nous nous inscrivons dans cette démarche de valoriser les tiers-lieux comme solutions aux problématiques nouvelles, avec la volonté d’être une référence pour ça. Nous sommes d’ailleurs cités dans l’étude Cushman & Wakefield à ce titre. Il y a véritablement un label à créer autour de ça.
- Avez-vous des suggestions pour rendre le télétravail en tiers lieu encore plus attractif ?
Rémy LASSET : Les tiers-lieux doivent aller au-delà du simple concept de coworking. Ils doivent être conçus pour répondre aux besoins du proxitravail, car les salariés auront parfois besoin d'un bureau individuel pour se concentrer, ce qui rend les espaces ouverts moins utiles pour certains. Il est donc nécessaire d'adapter les tiers-lieux en proposant deux types d'espaces distincts.
Du côté des employeurs, ils doivent non seulement autoriser le proxitravail, mais aussi en assumer les coûts et l'encourager activement. Les aspects financiers peuvent constituer un frein, notamment pour les entreprises propriétaires qui cherchent à rentabiliser leurs investissements.
Dominique VALENTIN : Pour dynamiser cette pratique, il faut des incitations similaires à celles du covoiturage qu’on voit sur les autoroutes (« pensez à covoiturer »). Le traitement des mobilités doit être intégré à l'aménagement territorial, en tenant compte des effets rebonds relatifs à l'efficacité énergétique. Adopter une approche systémique est essentiel, en promouvant notamment la ville du quart d'heure et en encourageant les ZAN pour rapprocher les lieux de travail des habitations.
Aussi, il est impératif d’élargir les incitations au-delà de la mobilité. Pour la Contribution sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE), il serait pertinent de la verser là où résident les salariés afin de favoriser une répartition équitable et d'éviter une concentration excessive dans les métropoles. Des milliers de lieux sous-utilisés pourraient être convertis en espaces de travail, créant ainsi un maillage dense et abordable qui encouragerait des déplacements plus respectueux de l'environnement.
Du côté des employeurs, ils doivent non seulement autoriser le proxitravail, mais aussi en assumer les coûts et l'encourager activement. Les aspects financiers peuvent constituer un frein, notamment pour les entreprises propriétaires qui cherchent à rentabiliser leurs investissements.
Dominique VALENTIN : Pour dynamiser cette pratique, il faut des incitations similaires à celles du covoiturage qu’on voit sur les autoroutes (« pensez à covoiturer »). Le traitement des mobilités doit être intégré à l'aménagement territorial, en tenant compte des effets rebonds relatifs à l'efficacité énergétique. Adopter une approche systémique est essentiel, en promouvant notamment la ville du quart d'heure et en encourageant les ZAN pour rapprocher les lieux de travail des habitations.
Aussi, il est impératif d’élargir les incitations au-delà de la mobilité. Pour la Contribution sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE), il serait pertinent de la verser là où résident les salariés afin de favoriser une répartition équitable et d'éviter une concentration excessive dans les métropoles. Des milliers de lieux sous-utilisés pourraient être convertis en espaces de travail, créant ainsi un maillage dense et abordable qui encouragerait des déplacements plus respectueux de l'environnement.